CABOTAGE EN BRETAGNE NORD

du 26 juin au 11 juillet 2022

 

à bord de TREIZOUR

 

Équipage :    Did

                   Pierre

                   Jérôme

Un clic pour agrandir la carte

Dimanche 26 juin Sortie du Port Rhu vers le chenal de l’île Tristan

Pierre et Jérôme sont arrivés hier soir, après une traversée express de la France. Ce matin, on a fait les courses à l’hypermarché, légumes, gâteaux, yaourts, fromage, cubis de Laroche-Mazet, bref le nécessaire pour une quinzaine de jours.

L’après-midi, on a chargé et organisé le bateau : coffres avec les réserves, draps, sacs de couchage, puis, la passerelle du Port Rhu ouvrant après 16h, nous avons largué les amarres pour aller nous installer dans le chenal de l’île Tristan, prêts à partir demain matin.

Dernière nuit confortable à la maison.

 

Lundi 27 juin - de Douarnenez à l’Aber Ildut

Départ 9 heures. Le temps est nuageux mais sec. Nous allons être bout’ au vent jusqu’au Cap de la Chèvre, vent de nord-ouest : nous partons au moteur, mais avec la grand-voile haute, j’ai le plaisir d’admirer ma voile lattée toute neuve ! La coque a été carénée mi-mai, l’antifouling est frais, on avance à 4,6 nœuds.

Pour la première fois depuis bien longtemps, je vois quelques marsouins autour du bateau. L’habitude, c’était plutôt des dauphins.

Essai sous voiles seules après le Cap de la Chèvre, pas très concluant. On continue, moteur + grand-voile. En fait pendant les 15 jours qui viennent, on va avoir la plupart du temps des vents de secteur nord, souvent assez froids, on est en été, tout de même. Pas grave…

 

À midi, Pierre nous prépare un plat de pâtes avec pesto et fromage râpé : excellent !

 

16h10, moteur : après la remontée du chenal du Four, nous approchons de l’Aber Ildut, que nous connaissons bien. Jérôme et Pierre ferlent et rangent les voiles.

16h45, nous sommes amarrés au ponton visiteurs de Lanildut. Ce sera la seule fois où nous allons payer notre nuitée à la capitainerie ; j’ai la carte « Pass’port Escale », 10 € l’année, En échange ma place dans le Port Rhu est disponible pendant notre absence pour les bateaux visiteurs. Et tous les ports que nous fréquenterons pendant les 2 semaines à venir sont adhérents de ce réseau, sauf l’Aber Ildut ! Ici 22,50 € la nuit.

Balade sur le chemin qui surplombe la côte et les rochers ; on admire un canon prêt à repousser ces chiens d’anglais. Un panneau nous explique qu’il y a longtemps, cet aber était un port très actif, concurrent de Brest. Aujourd’hui il y a ici pas mal de bateaux consacrés à la récolte du goémon, autour de Molène.

 

Mardi 28 juin de l’Aber Ildut à l’Aber Wrac’h

 

Je fais des calculs avant de partir. Avec la carte marine sur l’écran de l’ordinateur, je trace notre route, aujourd’hui 18,5 milles nautiques. Je note les heures des marées hautes et basses, je consulte les cartes des courants heure par heure en fonction de la marée haute de Brest, plus tard ce sera en fonction de la marée haute de Cherbourg. Eh oui, dans la Manche, les courants sont forts, parfois très forts, même si nous allons avoir des marées de petit coefficient pendant nos 2 semaines de navigation.

Et je regarde bien sûr les prévisions de la météo marine. En bref, je m’installe dans mon rôle de capitaine !

 

9h00, départ cafouilleux, on s’appuie un peu sur le ponton, on frôle le bateau voisin, nous sommes en train de nous rôder. Dès que nous sommes sortis du petit chenal, nous prenons un ris dans la grand-voile. Nous faisons cap sur le phare du Four.

Vent de force 4-5, le temps est beau, nous allons à 5-6 nœuds, Jérôme barre.

10h40, rafales, allure de près serré, nous prenons le 2ème ris.

11h45, au tour du 3ème ris. Ça calme les lacets dus aux vagues de ¾ avant. Et puis c’est l’occasion de tester notre nouvelle voile, de mettre au point notre technique. L’opération est un peu musclée, les bosses de ris (tous les cordages qui courent de l’avant à l’arrière de la voile), ne coulissent pas aussi bien qu’on le voudrait. Le problème sera réglé dans quelques jours, en mettant du suif sur les coulisseaux de la voile.

12h15, cap sur l’Aber Wrac’h.

13h30, nous avons remonté la ria, la mer se calme, mais pas le vent. J’appelle la capitainerie, 2 mariniers vont nous attendre en zodiac à l’entrée du port.

Ils nous installent à couple d’un gros voilier, à l’intérieur du ponton visiteurs qui ferme la marina. Mais ça souffle, parfois entre 20 et 30 nœuds. Le port est bien plein, tout le monde est venu se mettre à l’abri.

Un bateau légendaire, le « Bel Espoir » du regretté Père Jaouen, est là sur sa bouée, non loin des pontons.

 

Soirée à bord tranquille, Pierre sort la guitare de sa housse, la croisière s’installe.

 

Mercredi 29 juin - de l’Aber Wrac’h à Roscoff

Le rituel du capitaine : marées, courants, prévisions météo, tout ce qui va conditionner nos horaires. Pas question de jouer contre le courant, et là nous aurons à embouquer le chenal entre Roscoff et l’île de Batz. Je prévois d’y être à l’étale de marée haute, et nous aurons donc pendant notre trajet le courant de marée montante qui nous poussera. Aujourd’hui départ 13h, d’après les conseils d’un marinier du port.

 

Ce matin au ponton, nous hissons Pierre en haut du mât avec la drisse de grand-voile, pour examiner le feu de mât et l’anémomètre : ascension pas très concluante, il y a un problème de contact électrique pas facile à régler pour l’ampoule du feu de mât, et l’anémomètre a l’air de fonctionner normalement, alors que l’affichage dans le cockpit est incohérent.

 

Dans nos rangements du bord, je découvre, presque par hasard, que la « cuve à eaux noires », un réservoir raccordé au WC et installé dans le coffre à voiles du cockpit, est pleine, à 2 doigts de déborder.

Cette cuve est en train de devenir obligatoire, les ports s’équipent pour la vider, avec l’objectif de dépolluer les eaux portuaires. Sur Treizour, elle est configurée actuellement pour se vider directement en mer, je laisse la vanne ouverte, on ne l’utilise (presque) pas dans les ports.

Pierre nous trouve sur les quais du port un outil très chic pour déboucher le tuyau d’évacuation, une tige d’agapanthe : efficace ! La cuve se vide, mais nous découvrons en même temps un raccord cassé sur le tuyau d’arrivée du WC.

Aujourd’hui, WC du bord interdit, affaire à suivre.

À noter : les opérations sur cette cuve ne sont pas trop pénibles, l’eau de mer, pompée par la chasse d’eau, doit stériliser tout ça, heureusement…

 

13h45, Nous quittons notre ponton. Temps tranquille pour sortir de l’aber. Le ciel est nuageux, et il fait frisquet. Nous hissons les voiles, après avoir contourné la balise du Libenter qui marque la sortie de la ria.

Le vent est léger, mais le courant est dans le bon sens. Nous filons à 4,5-5 nœuds.

16h45, nous dépassons la bouée Aman Ar Ross, et 3 gouttes de pluie tombent…

J’appelle la capitainerie de Roscoff, pas de problème, nous nous installerons entre les pontons B et D, numéros rouges en bout de catway. On trouvera.

Le bateau marche bien, le courant de fin de marée montante nous pousse fort encore, entre 5,5 et 6,5 nœuds.

19h30, nous arrivons devant l’île de Batz, Pierre est à la barre, je suis à la table à cartes pour lui dire son cap sur ce chenal assez étroit et sinueux, mais une grosse averse démarre ! Heureusement elle ne dure pas trop longtemps, mais Pierre se fait tremper, et moi aussi un peu. Ce sera la seule vraie averse de notre croisière.

21h15, nous sommes amarrés au ponton D75 de cette marina de Bloscon-Roscoff, Douches chaudes, tout va bien.

J’avais découvert cette marina en construction à côté du quai des ferrys en 2012, à bord de Balum Piti avec mon amie Noëlle ; nous arrivions de Cherbourg, la capitainerie ne nous avait pas autorisés à nous installer sur ces pontons pas encore équipés, et nous avions dû remonter la rivière Penzé à quelques milles de là pour trouver un corps mort. Mois de mars, brume, trajet sinueux entre des rives très utilisées par les ostréiculteurs, très belle lumière, joli souvenir.

 

Jeudi 30 juin de Roscoff à Ploumanac’h

 

2ème épisode cuve à eaux noires : il faut changer le raccord cassé. Nous allons chez le shipchandler où j’achète un raccord en laiton, au bon diamètre, mais coudé à 90°, et pas donné, 50 €… De retour à Douarnenez, j’en trouverai un, droit celui-là, en plastique robuste, à 3,90 €…

De retour à bord, nous changeons ce raccord, tout va bien.

Cette cuve ne s’était jamais bouchée, désormais je la surveillerai.

 

 

Jérôme est parti acheter Libé : dans le numéro du 30 juin, il y a un très bel article d’une demi-page sur une des dernières publications des éditions Jérôme Millon,  « La mise en pièces de Gambetta » d’Anne Carol. Drôle d’histoire : un monument à la mémoire du grand homme Léon Gambetta devait être inauguré à Nice, et la municipalité avait décidé pour l’occasion de transférer les restes du grand homme dans un tombeau plus monumental que la modeste concession familiale où il reposait depuis 1883.

On découvrit alors un corps décapité, il lui manquait un bras, son cœur… Comment en était-on arrivé là ?

14h30, amarres larguées avec l’aide de notre voisine de ponton ; Pierre vient de papoter avec elle pendant un bon moment. Elle est française, elle a passé 3 ans en Angleterre, et n’arrive pas à se défaire d’un accent british prononcé. Elle est seule sur son voilier avec ses 2 chiens, elle vient de traverser la Manche avec un équipier qui, au bout de quelques heures, a été terrassé par un mal de mer épouvantable et est parti se coucher. Pour rajouter une couche à ses ennuis, toute l’électricité du bord est tombée en panne, plus de cartes, plus de GPS, plus de pilote automatique, et elle a barré pendant 30 heures.

Elle nous a donné un coup de main pour quitter notre ponton et est repartie faire la sieste !

 

16h30. Beau temps, bon vent, Treizour file à 6 nœuds.

La mer est assez formée, le ciel est bleu. Pierre fait la sieste dans le cockpit, et Jérôme pêche.

18h00. Vent arrière. Le vent baisse, mais le courant nous pousse encore à 6 nœuds. Nous sommes à 2,7 milles nautiques de Ploumanac’h.

Notre route nous fait passer entre la côte et l’archipel des « Sept Iles », une réserve naturelle d’oiseaux très protégée.

On arrive dans la région des côtes de granit rose, et les rochers qui nous entourent sont arrondis, pas du tout agressifs, très beaux.

J’avais très envie de venir ici, Mais autrefois ce port n’était accessible et fréquentable qu’à marée haute, il fallait béquiller à marée basse. Un seuil a été installé à l’entrée de cette petite rade charmante entourée par le bourg ; comme dans le Port Rhu de Douarnenez, les bateaux restent à flot 24h/24h, avec la (petite) contrainte de n’arriver ici qu’à marée haute.

Il y a du vent, Nous cherchons une place, des voisins déjà amarrés nous expliquent le fonctionnement des places visiteurs. Il y a une rangée de bouées, nous nous amarrons avec leur aide à un « haltère », 2 bouées blanches volumineuses reliées par une grosse barre d’inox. Notre amarrage est un peu laborieux, à l’avant et à l’arrière, nos voisins nous donnent un coup de main en venant avec leur annexe, et tout se passe bien.

Nous passons la soirée à bord, pas envie de gonfler l’annexe. Très beau coucher de soleil, de belles maisons sur les quais, toujours ces gros rochers roses, plaisir des yeux.

La tradition s’est installée à bord, apéro dans le cockpit, bière et Tucs, ou petits toasts !

 

Vendredi 1er juillet de Ploumanac’h à Tréguier

Distance à parcourir : 22 milles nautiques.

10h, départ. Nous quittons notre haltère en marche arrière. Nous admirons les très belles maisons dans le chenal de sortie de Ploumanac’h, une en particulier construite sur un îlot rocheux magnifique, un manoir somptueux.

 

11h, nous dépassons la bouée des « Couillons de Tomé », si si !

Jérôme s’occupe de la ligne de traîne, et Pierre fait de la couture, il coud un bout’ à sa casquette pour la sécuriser, on a eu il y a quelques jours une opération sauvetage de casquette, un classique !

Nous avons le courant dans le nez pour le moment, vitesse 5,8 nœuds en surface, mais 4,4 nœuds sur le fond, nous dit le GPS.

13h, repas en mer : lentilles féta, salade verte et tomates, et pommes cuites à la cannelle.

14h10, nous prenons le virage pour entrer dans la rivière de Tréguier, le Jaudy. La remontée est assez longue et sinueuse, nous nous plaçons bien au milieu de la rivière, la carte électronique est précieuse quand on découvre ce genre de parcours.

16h15, nous sommes amarrés. Accueil parfait par 2 mariniers en zodiac. Nous sommes arrivés à peu près à l’heure de l’étale de basse mer, mais un marinier nous explique qu’ici la renverse du courant démarre très vite,  ¼ d’heure après l’étale, il ne faut pas traîner et être attentif dans les manœuvres pour ne pas se faire embarquer !

Il y a beaucoup de très beaux voiliers sur les pontons, en particulier des « Boréal 44 » et des « Boréal 47 », des coques en aluminium superbes, des bateaux baroudeurs de luxe. Petite recherche sur la toile, le chantier naval « Boréal » est à Tréguier !

 

Je propose à l’équipage de faire ici une pause de 24 heures, pour souffler. Tréguier est annoncé comme une « petite cité de caractère », c’est un gros bourg aux belles maisons de granit, un certain nombre avec des façades à colombage.

Soirée crêperie à la « Krampouzerie », face au quai où quelques camping-cars sont garés, on nous installe sur la terrasse, mais il y a du vent plutôt frais, on s’habille, polaires et casquettes.

La ville est installée au confluent du Jaudy et d’une petite rivière, le Guindy, et le lendemain nous admirerons un joli pont ancien du 19ème siècle, la passerelle St François, réservée aux piétons.

Nous allons aussi faire du shopping chez le shipchandler local. Je veux renforcer avec de la colle époxy la fixation du tube de bronze où on implante le pilote automatique sur le banc du cockpit, et je trouve mon bonheur. Comme nous restons une journée au ponton, la colle aura le temps de durcir.

 

Dimanche 3 juillet de Tréguier à Lézardrieux en contournant l’île de Bréhat

10h15, nous quittons notre ponton avec un coup de main du marinier, que j’ai appelé, par précaution. Le temps est gris et venteux.

Nous hissons le génois et la grand-voile, mais assez vite, à 11h15, nous prenons un ris dans la grand-voile, le vent monte parfois à 18 nœuds.

12h00, premier maquereau ! Quelques autres vont suivre dans les jours qui viennent, des plus ou moins gros qui vont nous régaler en filets ou en rillettes. À chaque fois Pierre est scandalisé, et ne veut pas assister au coup de manivelle exterminateur…

 

Nous passons entre le phare des Héaux de Bréhat, posé au large sur des rochers, et la côte où s’accroche le Sillon de Talbert, que nous ne verrons que de loin.

Nous avons un bon vent de force 4, et la mer est agitée, clapoteuse, nerveuse.

14h, pâtes aux poivrons confits. Nous contournons l’île de Bréhat par le nord pour descendre sa côte Est.

Mon projet était de trouver une bouée visiteurs au Sud-Est de l’île : j’avais un peu repéré et beaucoup admiré le coin il y a quelques semaines, lors d’un weekend dans la maison familiale de mon amie Bénédicte, sur cette île étonnante.

Mais notre approche est difficile, fort courant de face, par moments nous sommes à 0,5 nœud… Je n’arrive pas à repérer ces bouées visiteurs, et de toute façon le séjour aurait été inconfortable, le clapot contourne l’île, l’assurance d’une nuit à tomber de sa couchette. Nous renonçons, donc plan B. Nous remontons le Trieux, la rivière de Lézardrieux.

17h, nous nous amarrons au ponton de Lézardrieux, de façon un peu acrobatique, mais notre voisine anglaise, encore une, nous aide, et tout va bien.

 

Depuis notre arrivée dans ces ports de Bretagne Nord, nous sommes étonnés de la quantité de voiliers étrangers, énormément de Néerlandais, des anglais, des danois, et même un voilier norvégien qu’on reverra plusieurs fois. On a parfois l’impression d’être les seuls français ! Peu à peu on a l’œil pour reconnaître les pavillons étrangers.

Bière du soir sur l’herbe dans un bistrot qui surplombe le port.

Lundi 4 juillet de Lézardrieux à Trébeurden

Début de la route retour.

Je fais des calculs précis, je trace notre route mais c’est un peu complexe : aujourd’hui nous devons avoir le courant dans le bon sens si possible, mais nous devons arriver dans le port de Trébeurden autour de la marée haute, car c’est un port avec un seuil, une digue sous-marine qui n’est praticable qu’aux alentours de la pleine mer.

Pleine mer à 22h26, le guide me dit qu’on peut entrer à partir de 18h30. En approchant, j’appellerai  la capitainerie qui me dira qu’il vaut mieux attendre 18h45, pour avoir assez d’eau au-dessus du seuil, 1,50 mètre – Treizour fait 1,40 mètre de tirant d’eau.

10h20, amarres larguées. La météo annoncée est sympathique, vent de Sud-Ouest. Comme d’habitude, le temps est un peu couvert, et frisquet.

En sortant de la rivière de Lézardrieux, nous faisons cap au Nord Est, au milieu des récifs dont cette région est bien pourvue. Puis nous passons sous les Héaux de Bréhat, et ça marche fort.

14h50, le vent tombe, le courant nous déporte, nous sommes au près serré, on tire un bord pour s’éloigner de la côte.

15h10, le vent revient, on va même faire des pointes à 7 nœuds – euh, en partie grâce au courant !

17h15, à la pointe de Trégastel, nous descendons vers Trébeurden, mais nous affalons la grand-voile pour ralentir,  car le « passage à niveau » est encore fermé.

C’est à 17h45 que je contacte la capitainerie, donc ce passage à niveau s’ouvre à 18h45, OK.

19h00, nous avons choisi seuls une place au ponton visiteurs, on a attendu un signe d’un marinier, rien.

Une fois notre amarrage terminé, nous voyons arriver le capitaine du port, plan-plan, nous l’identifions à son carnet à souche à la main, nous l’avions pris pour un touriste observant les manœuvres des arrivants. On s’était habitué à plus prévenant ces derniers jours…

Peu de temps après nous, un voilier vient s’installer juste à côté de nous, alors qu’il y a beaucoup de places libres. Pourquoi si près ? C’est un beau voilier de location, mais apparemment ce sont leurs débuts, et la manœuvre est bien brouillonne.

Quand on est au port, la distraction de base, c’est critiquer les manœuvres des autres, une bière à la main…

Soirée pizzas et crêpes, sur une terrasse protégée du vent par des parois vitrées et des parasols. Belle vue, beau coucher de soleil.

 

Le rituel du soir, c’est la guitare, accompagnée d’un doigt de whisky. Le soleil se couche après 10 heures du soir, et nous on se glisse sous nos couettes vers 22h30-23h.

 

Mardi 5 juillet de Trébeurden à Roscoff

Marée haute, départ à 10h15, pour un trajet d’une quinzaine de milles nautiques. Des voisins nous larguent les amarres et nous aident à sortir en ligne droite, je ne veux pas abîmer notre beau voisin, un « Requin », superbe bateau de régate en bois, une coque effilée qui date des années 30.

 

Vent Nord de force 3, la mer est tranquille et le soleil est là.

12h, on se fait un vrai café accompagné d’une tranche de cake. Treizour se traîne un peu, à 3 nœuds. On n’est pas pressé, on est en vacances !

16h, nous nous amarrons à Roscoff, accueillis par 2 mariniers qui nous ont conduits à notre emplacement.

 

Sieste pour tout le monde, puis nous partons pour une balade à pied en fin d’après-midi, vers le bourg de Roscoff. Courses dans une supérette du centre, une bière pour se remettre dans un bar repéré par Pierre et Jérôme lors de notre virée irlandaise il y a 3 ans, et ensuite on va aller au bout de cette longue estacade posée sur des poteaux de béton, où se font les embarquements de la vedette qui traverse le chenal pour aller sur l’île de Batz. La mer est encore basse, tous les rochers affleurent.

Soupe de légumes, yaourts, guitare, et au dodo.

 

Mercredi 6 juillet de Roscoff à l’Aber Wrac’h

Météo : petit vent de Nord de force 3.

10h30, Pierre est à la barre pour passer le chenal de l’île de Batz. Moteur, il n’y a pas beaucoup d’eau, la basse mer est à 11h30 et il faut être attentif au milieu de tous ces rochers.

Une fois l’île passée, nous hissons les voiles.

13h20, nous faisons du 2 nœuds, parfois des « pointes » à 1,6 nœud… Pierre et Jérôme siestent.

13h30 je démarre le moteur à 1800 tours/minute, après avoir roulé le génois.

Cuisine collective, épluchage-découpage d’aubergines et de courgettes en petits dés, le tout revenu à l’huile d’olive et saupoudré de curry. Excellent, comme d’hab’.

14h30, on déroule le génois, on arrête le moteur, le vent est revenu et le courant est avec nous. On atteint 5,3 nœuds.

15h50, le vent tombe à nouveau. Malgré le courant notre vitesse descend à 3,9 nœuds.

 

Plusieurs fois quelques dauphins viennent jouer autour du bateau, et c’est toujours un vrai bonheur.

On admire aussi les oiseaux de mer, les fous de Bassan qui plongent, les pétrels.

17h00, nous approchons de la balise du Libenter, nous sommes précédés et suivis de plusieurs voiliers, ce qui n’a pas été très fréquent ces derniers jours, la saison d’été ne fait que commencer. On guette ceux qui nous rattrapent, ceux qu’on distance, ceux qu’on arrive à tenir…

18h, on entre dans la ria de l’Aber Wrac’h.

19h, guidés par les mariniers, nous nous amarrons à couple d’une grosse vedette immatriculée à Malte. Les propriétaires arrivent un peu plus tard, nous regardent d’un œil un peu hautain, et nous font refaire notre amarrage à leur goût…

Nous sommes cernés par des équipages anglais, un maltais, un hollandais et un norvégien !

 

Jeudi 7 juillet de l’Aber Wrac’h à Lampaul – île d’Ouessant

Trajet prévu de 31 milles nautiques, environ 8 heures de navigation.

Ce matin à 8h, nos voisins maltais partent, ils nous avaient prévenus hier soir qu’ils avaient comme projet de remonter la rivière de Morlaix, on s’est levé en conséquence à 7h. On largue nos amarres provisoirement, marche arrière, on attend leur manœuvre, et on prend leur place au ponton.

Départ 10h00. Assez vite nous hissons les voiles, mais il n’y a pas beaucoup de vent, et le courant est un peu faiblard, vitesse 3 nœuds.

14h40, le vent est revenu, le courant aussi, vitesse 5,3 nœuds.

Je me mets à la cuisine, purée avec lait et fromage râpé, pour accompagner des steaks végétaux.

Il nous reste une quinzaine de milles pour Ouessant.

16h, nous avons la côte Est d’Ouessant par le travers, là où s’élève le grand phare du Stiff, nous entrons dans le chenal du Fromveur, et le courant est avec nous : vitesse 7,3 nœuds, par moments 8,6 nœuds !

17h, nous contournons le phare de la Jument à l’extrémité Ouest de l’île, et nous préparons un virement de bord pour entrer dans la baie de Lampaul. Cette baie a la forme d’une pince de crabe ouverte vers l’Ouest, vers les vents dominants, mais aujourd’hui le vent est de secteur Nord, la nuit sera calme.

18h00, nous arrivons dans la zone de mouillage, devant le bourg de Lampaul ; le guide annonce 25 bouées visiteurs, mais il n’y en a que 14 et elles sont toutes occupées, scandale !

Nous préparons un mouillage sur ancre, mais la chaîne a l’air emmêlée, pas moyen de la sortir correctement. Pendant qu’avec Pierre nous essayons de comprendre ce qui se passe, Jérôme est à la barre, zigzaguant au milieu des voiliers au mouillage, pas très rassuré.

On finit par sortir toute la chaîne de son coffre, tout est clair. On a repéré un endroit où poser l’ancre, on s’y reprend à 2 fois, Pierre laisse filer la chaîne qui se tend progressivement, et tout se passe bien. Mais un voisin, un solitaire, nous observe depuis la descente de son voilier, pas très convaincu visiblement. Il doit craindre que notre ancre soit mal accrochée, qu’elle dérape, qu’on vienne s’appuyer sur sa coque…

Pierre a préparé des toasts pour accompagner nos bières, nous assistons à un très beau coucher de soleil, que demander de plus ?

 

Vendredi 8 juillet de Lampaul - Ouessant à l’île Molène

Distance à parcourir aujourd’hui : environ 13 milles nautiques.

10h00, Pierre remonte l’ancre, auparavant nous avons hissé la grand-voile, départ sans moteur. Grand beau temps. Notre voisin inquiet nous surveille, nous le saluons.

À nouveau nous contournons le phare de la Jument, et nous embouquons le chenal du Fromveur, en sens inverse cette fois. Mais le vent et le courant ne sont pas complètement d’accord avec notre cap, nous allons avoir à tirer des bords pour passer le phare de Kéréon.

12h40, nous avons tiré 2 bords, ça a suffi. Beau temps, mais le courant annoncé favorable va s’avérer décevant : vitesse sur le fond 3,8 nœuds…

 

13h, nous passons le phare de Kéréon, direction Molène.

13h45, nous sommes amarrés  à une bouée tout près du quai du bourg de Molène, il y aura suffisamment d’eau, même à marée basse, dit le captain.

Repas à bord, puis nous gonflons l’annexe ; nous allons prendre un café à terre, et nous en profitons pour faire quelques courses à la supérette du village.

 

Petite virée vers la côte Est de l’île, puis nous revenons à bord, mais le vent et le clapot ont monté, on revient avec les fesses mouillées, l’annexe est petite et basse sur l’eau !

 

18h15, nous guettons la profondeur, nous sortons le plomb de sonde, en fait ce port a une particularité, ce sont de grandes algues accrochées au fond et qui s’étalent en surface : Il y a 2,50 mètres d'eau, mais l’alarme du sondeur sonne en permanence, déclenchée par ces algues, jusqu’à ce qu’on l’éteigne.

 

Ce soir-là, les 2 guitares sont de sortie en même temps, Jérôme joue du classique, et Pierre improvise des solos. Pas mal !

 

Samedi 9 juillet de Molène à Camaret

Mes calculs du matin me font programmer notre départ en début d’après-midi. J’ai très mal dormi, je vais faire une grasse matinée pendant que Pierre et Jérôme prennent l’annexe et vont faire le tour de l’île à pied.

Quand ils sont revenus à bord, nous observons une barque de pêcheurs au comportement intriguant : moteur arrêté, ils rament vers des viviers à homards amarrés à des bouées du port, de façon pas très efficace, il y a du vent et du clapot. Et tout à coup, ils viennent vers nous et nous lancent une amarre, en fait ils sont en panne sèche ! Ils téléphonent à un de leurs collègues, qui vient très vite les prendre en remorque.

 

Distance à parcourir aujourd’hui : 20 milles nautiques.

 

13h00, nous hissons la grand-voile avec un ris, et nous larguons notre bouée.

Vent un peu musclé, 18 à 20 nœuds, et un clapot assez formé, je préfère garder le moteur  pour passer au milieu des récifs et rejoindre le chenal du Four, un peu au-dessus du Conquet. Et là, le vent et la mer se calment. Mais le courant va nous aider à bien avancer, vitesse 6,9 nœuds.

15h40, Jérôme a pêché 2 maquereaux : trop petits, il les relâche. Eh oui ! Il en a déjà pêché un autre il y a une demi-heure, un gros celui-là, qui finira en rillettes.

17h45, nous nous amarrons dans le bassin visiteurs de Camaret, au pied de la tour Vauban, et il y a du vent. Beaucoup de bateaux sont venus se mettre à l’abri, et la place que nous proposent les mariniers est à couple d’un autre voilier, ce qui est le lot de la moitié des voiliers présents. Nous ne sommes pas les derniers à arriver, et tard dans la soirée d’autres vont essayer de se trouver une place, chahutés par les rafales dans des passages entre pontons de plus en plus étroits.

 

Dimanche 10 juillet de Camaret à Douarnenez, avec une pause dans l’anse de St Hernot

8h30, nous quittons Araok, le « Django 980 » contre lequel nous étions amarrés à couple. Hier il y avait du vent, ce matin c’est tranquille.

9h00, nous passons la pointe du Toulinguet, et nous allons passer au milieu des Tas de Pois. Temps magnifique, petit vent. Les premiers jours de notre virée, nous étions souvent bien couverts, là enfin, il fait chaud !

 

Je propose à l’équipage de tenter une pause dans l’anse de St Hernot, une jolie crique façon calanque marseillaise, dans la baie de Douarnenez, à mi-chemin du Cap de la Chèvre et de Morgat.

On pose notre ancre, Pierre et Jérôme se baignent, il fait presque trop chaud ! D’autres bateaux sont ancrés là, des kayaks sont hissés sur la plage, des paddles passent, des baigneurs plongent de l’arrière des bateaux. Les vacances !

16h00, nous remontons l’ancre, et nous faisons cap sur Douarnenez, au moteur, il n’y a plus de vent. La baie est un lac.

18h00, nous cherchons une place au ponton visiteurs dans le chenal de l’île Tristan, Tout est plein, mais tout à coup une chaloupe sardinière qui sort avec des touristes à bord nous laisse sa place, un peu courte certes, mais l’équipage est devenu très performant, accostage impeccable.

On fait nos sacs. Nous avions laissé une voiture garée pas très loin sur le quai de Tréboul, nous chargeons le coffre avec les sacs et nous rentrons à la maison.

Nous allons manger une crêpe au « Ty Port Rhu », sur la place de l’Enfer, en face de la maison, puis nous retournons au bateau : j’ai besoin de main d’œuvre pour enlever le génois. Cet hiver, je n’avais pas mis de housse de protection sur ce génois, par flemme et négligence, mea culpa, toutes les parties exposées de la toile sont devenues un peu verdâtres, il est temps que je mette un coup de brosse là-dessus !

L’opération ne va pas être aussi simple que prévu : on largue la drisse du génois, mais ça bloque, le génois ne veut pas descendre. Et on finit par comprendre que la drisse a tourniqué autour de l’étai, là-haut, tout près de la tête du mât.

Pour la 2ème fois de la croisière, nous hissons Pierre en haut du mât, sous l’œil rigolard d’un équipage anglais que nous amusons beaucoup. Je dirais même qu’ils se moquent de nous…

Mais Pierre arrive à régler le problème, et enfin nous affalons cette voile récalcitrante. La nuit tombe, nous retournons à la maison, pour une nuit au calme, dans des lits douillets.

 

Lundi 11 juillet du chenal de l’île Tristan à mon ponton dans le Port Rhu

8h00, Pierre et Jérôme repartent ce matin pour Grenoble, puis Forcalquier. Good bye farewell !

Cet après-midi, marée haute, la passerelle d'entrée dans le Port Rhu sera ouverte de 13h45 à 17h. Je rentre le bateau pour l’amarrer à sa place, au-delà du pont de Tréboul.

Fin de l’aventure ! Une aventure très agréable, qui a été l’occasion pour moi de découvrir des ports et des mouillages que je n’avais jamais abordés en voilier, comme Ploumanac’h, Tréguier ou l’île de Bréhat, et tout ça avec un équipage parfait, comme d’hab’.

On avait imaginé une virée vers la Cornouailles anglaise, nous avions modifié nos plans pour des raisons de passeports : ah le Brexit, mais ce n’est que partie remise !