En solo vers le Finistère Sud
du 11 au 16 août 2022
Jeudi 11 août : je sors mon voilier Treizour du Port Rhu en fin d'après-midi, eh oui en ce moment la marée est haute plutôt en début de soirée et la passerelle n'ouvre pas le matin. Treizour sera prêt à partir demain, je le mets au ponton visiteurs, dans le chenal de l'île Tristan. je passe à la capitainerie pour le signaler, mais on me répond que beaucoup de bateaux sont annoncés ce soir, le marinier va déplacer mon voilier tout à l'heure, et je le retrouverai au fond du port de plaisance, près de la place du marché. Pas de problème !
Vendredi 12 août : j'ai fait les courses, j'ai chargé le bateau, j'ai fait mes calculs de marées et de courants : je quitte mon ponton au fond du port de plaisance de Tréboul à 14h. La place était un peu étriquée, mais la manœuvre se passe sans encombre.
Le vent est faible. Je longe la côte, je vise la Pointe du Raz, moteur à 1800 tours / mn. J'ai une trentaine de milles nautiques à parcourir pour arriver vers Audierne.
14h50, Je mange tranquillement, je n'avais pas mangé avant de partir. Pas un nuage, grosse chaleur.
18h45, je suis dans le Raz de Sein. Arrêt moteur, voiles - je fais des pointes à 8,5 nœuds, mais le courant y est pour une bonne part. Au passage du phare de la Vieille, avec l'île de Sein à ma droite, je ne suis plus qu'à 6,5 nœuds.
Je fais cap sur Audierne, je compte aller dans l'anse de Ste Evette, là où se trouve l'embarquement pour l'île de Sein.
20h00, voiles en ciseaux, tout petit vent, Treizour est à 3,7 nœuds. Grand soleil.
21h15, je m'accroche à une bouée "visiteurs" dans l'anse de Ste Evette, avec l'aide du jeune marinier sur sa prame à moteur, il m'a repéré dès que j'ai passé la digue.
J'assiste à un coucher de soleil magnifique, puis la nuit tombe vite. les jours raccourcissent déjà...
Samedi 13 août : à 6h du matin je largue ma bouée, je profiterai ainsi du courant favorable pour descendre la baie d'Audierne jusqu'à la Pointe de Penmarc'h.
Le ciel est sombre encore, J'observe Vénus du côté du Levant. 2 voiliers partent en même temps que moi, et pas mal de bateaux de pêche qui débouchent du chenal qui remonte à Audierne.
Le vent est asthmatique, et la mer est absolument lisse. Moteur.
J'arrive au large de la Pointe de Penmarc'h, et les dauphins arrivent ! Ils sont une douzaine, et vont rester au moins 20 minutes, à jouer dans l'étrave, à se bousculer, à sauter ! Comme l'eau est très transparente, je peux les photographier sans problème, un régal !
Je prends le virage pour contourner le pays Bigouden. J'ai tracé ma route de balise en balise, ça fait un grand arc de cercle au sud de Penmarc'h, puis le Guilvinec, puis Lesconil.
Il y a une vie incroyable en mer : plusieurs fois j'assiste à des attaques groupées de dauphins sous l'eau et de fous de Bassan en train de plonger en piqué sur des bancs de pauvres petites sardines qui frétillent et brillent juste sous la surface.
13h40, je tombe la grand-voile, vent nul. Au large de Lesconil, à nouveau les dauphins vont venir faire le spectacle autour de Treizour, pendant 25 minutes. le bonheur !
15h, je suis amarré au ponton à Loctudy. J'ai appelé à la VHF, le marinier me répond vite fait, et me laisse me débrouiller une fois arrivé. Accueil bien moyen, j'ai connu mieux...
Heureusement mes voisins de ponton me donnent un coup de main.
Et l'ambiance va être très agréable, avec mes voisins de bâbord et de tribord. Je ne le sais pas encore, mais je passer 2 nuits ici.
A tribord, une famille concarnoise, les parents et 2 filles, naviguent sur un Sunway 25, ils aimeraient changer de voilier pour avoir plus de place, et ils rêvent d'un... Sun Odyssey 29.2 ! Je les invite à bord de Treizour, ils le visitent avec beaucoup d'intérêt, surtout quand je leur dis que peut-être je vais le mettre en vente cet automne... On s'échange nos numéros de téléphone. Affaire à suivre.
Je fais mes calculs pour partir demain, j'aimerais aller passer deux nuits aux Glénan. Départ programmé vers midi.
Je contacte Jean, qui habite en Bigoudénie, il vient dans l'après-midi, on se raconte des histoires d'Irlande, il me parle de son voilier Louarn Coz, toujours au sec au chantier de Pont-L'Abbé, et nous allons boire une bière à l'S'cale, le bistrot-paillotte qui a ouvert tout au bout du terre-plein du port de plaisance - plein à craquer !
Mais le ciel devient sombre, l'orage approche. et vers 19h, la pluie se met à tomber, les éclairs illuminent le ciel. Tout le monde s'enferme dans son bateau...
Dimanche 14 août : il a plu, il pleut encore de façon intermittente et sporadique, il ne fait pas froid, mais le ciel est gris et triste. 11h, 11h30, je suis prêt à partir, mais...
Midi, c'est décidé, je ne pars pas. Naviguer sous la pluie, passe encore, mais me retrouver coincé dans le bateau aux Glénan à attendre les éclaircies, non !
J'envoie un message à Jean-Claude et Isabelle, ils arrivent dans l'après-midi avec une boîte de pâtisseries, des cannelés et des financiers que nous dégustons avec une tasse de thé, dans le carré plutôt que dehors dans le cockpit, on y est tranquille et au sec.
Dans la soirée, je papote avec les voisins de bâbord, un couple de brestois qui navigue sur un beau First 35.5 ; je viens à leur bord. Ce voilier avait été dessiné par le designer Philippe Starck dans les années 90, et ses choix de décoration n'avaient pas totalement convaincu les voileux : des revêtements de marbre, de l'alu brossé, des bois très sombres...
Lundi 15 août : à l'aube, je suis allé faire un tour sur le quai, pas un chat. Il fait gris, mais il ne pleut pas.
à 7h45 je largue les amarres discrètement, tout le monde dort autour de moi. C'est un jour férié, grasse matinée !
L'horizon est bouché, le plafond est très bas, mais la mer est lisse. J'ai une trentaine de milles nautiques à parcourir pour remonter vers Ste Evette - oui, je rentre à la maison.
9h00, je suis au large de Lesconil, vent dérisoire mais la mer se forme un peu. En ce moment on est 4 voiliers à se suivre. Il y aura du monde sur cette route aujourd'hui, dans les 2 sens.
11h40, j'ai le phare de Penmarc'h par le travers, et je fais cap sur Ste Evette.
12h15, les dauphins sont là, et ils vont rester longtemps. Ils sont assez nonchalants, comme la mer.
Peu à peu le ciel s'est éclairci, mais il y a comme une brume de beau temps. Il fait chaud.
J'approche, je commence à voir les balises qui signalent le récif de la Gamelle, devant l'entrée du port d'Audierne.
15h, un homme à la mer !
J'arrive dans le coin des bouées "visiteurs" du port de Ste Evette. Pas de marinier en vue, je vais faire la manœuvre tout seul. J'approche au moteur tout doucement, jusqu'à appuyer la bouée que j'ai repérée contre le flanc bâbord, je mets le moteur au point mort - j'ai fait très souvent ce genre de manœuvre, sans aucun problème ! - et je me mets à plat ventre sur le pont. J'ai attaché une amarre à l'avant du bateau, et je l'ai ramenée vers l'arrière. La bouée s'approche doucement, le bateau avance encore un peu sur son élan, je vais passer l'amarre dans l'anneau... Non, je rate mon coup, la bouée s'écarte... et je tombe à l'eau !
En tombant, j'ai lâché l'amarre, la bouée s'éloigne, il n'y a bien sûr personne à la barre pour éviter les bateaux voisins, bref la situation est potentiellement catastrophique !
Je réussis à barboter jusqu'à l'arrière du bateau ; je suis tout habillé, mais je perds une tong. Il y a une échelle pour la baignade à l'arrière, mais évidemment elle est remontée, et solidement attachée. Il y a urgence, le bateau dérive, il faut que je remonte à bord. J'attrape ce que je peux, je fais le grand écart pour mettre un pied sur le rebord arrière, et après des efforts dignes d'un jeune, enfin je réussis à remonter à bord, ouf !
Je remets le moteur en route, je prends la barre, encore 1 ou 2 mètres et j'allais frotter un voilier voisin...
Je recommence ma manœuvre, et tout se passe bien, je suis amarré à ma bouée. Épuisé...
La nuit précédente, j'avais très mal dormi, et j'avais passé cette journée un peu dans le coton, rêvant de faire la sieste... Je n'étais pas vraiment opérationnel, pas très concentré, ça explique peut-être le cafouillis ! Je me découvrirai quelques bleus spectaculaires sur le corps. Pas trop grave...
Je suis trempé, je me sèche, je m'habille de sec. Et je ne suis pas fier de moi, ça aurait pu très mal tourner.
En fin d'après-midi, le marinier vient me faire payer mon dû pour la nuit sur bouée, je ne ne fais aucun commentaire sur mon arrivée. Un peu honteux...
Je regarde un film sur l'ordinateur dans la soirée, "A Beautiful Day in the Neighborhood", avec Tom Hanks, un film sympathique, un peu lent et un peu mou, mais plein de bonnes intentions. Dodo.
Mardi 16 août : j'ai bien dormi. Mes calculs me font partir vers midi, Il y a une dizaine de milles à parcourir pour atteindre le Raz de Sein, et je dois y être à 14h56, heure de l'étale de marée basse, le courant pouvant être assez fort, coefficient de marée 90.
Mon voisin de bouée, prudent, part à 11h45, je pars à 12h15. Il fait assez beau. Étonnamment la météo annonçait des averses, qui ne tombent pas. Je ne me plaindrai pas.
Je hisse la grand-voile, je déroule le génois, et je fais cap vers la Pointe du Raz, mais le vent est faible, nous nous traînons.
Je vais finalement ajouter le moteur aux voiles, à tout petit régime. Je vais un tout petit peu trop vite, j'arrive dans le passage devant le phare de la Vieille à 14h20, mais tout va bien, c'est l'étale, pas de courant.
Je rentre dans la baie de Douarnenez, le courant de marée montante m'accompagne, me pousse, et même un peu trop !
15h30, Il y a une vingtaine de milles pour arriver dans le Port Rhu, et la passerelle ouvre à partir de 19h. À 4 nœuds de moyenne il me faudrait 5 heures, à 5 nœuds il me faudrait 4 heures pour arriver. Et je vais à 6 nœuds : beaucoup trop vite !
Je vais affaler la grand-voile, pour ne laisser que le génois. Le vent est tout petit, cette voile d'avant est un peu mollassonne, mais le courant est toujours là. Ça devrait aller.
18h30, j'ai préparé le bateau pour l'arrivée, j'ai installé les amarres, les pare-battages. J'ai fait mon sac, j'ai commencé à sortir ce qui reste dans le frigo et dans les coffres : fin de croisière.
19h05, j'entre dans le Port Rhu. Je file vers mon ponton, il fait beau, tout va bien.
Comme je le disais en intro, ça faisait longtemps que je n'avais pas fait une virée de plusieurs jours en solo. Pas de doute, j'aime bien ça, c'est reposant, tranquille. Il y a eu un épisode "homme à la mer", certes, mais il y a eu tellement de dauphins, et puis les amis à bord, et puis les copains de ponton, et puis les fous de Bassan. Je recommencerai !